Le spectacle Face à la mère, initialement créé en 2006 par Jean-René Lemoine, est une plongée au cœur des émotions les plus profondes d'un fils confronté à la perte de sa mère. Inspirée d'une tragédie personnelle, la pièce trouve sa source dans l'assassinat d’Annette Duncan Lemoine, la mère de l’auteur, tuée dans des circonstances restées floues à Port-au-Prince, en Haïti, dans la nuit du 11 au 12 juillet 2002. Enseignante dévouée à l'École des Sœurs de Sainte Rose de Lima, elle y a exercé pendant plus de trente ans, marquant de nombreuses générations d'élèves. Bien qu’elle ait consacré sa vie à l’éducation, aucun lien politique n'a été relevé, rendant son assassinat d’autant plus mystérieux et bouleversant pour son entourage. Le manque d'enquête et de réponses officielles a laissé Jean-René Lemoine avec un vide incommensurable, un deuil inachevé qu'il exprime avec intensité dans ce monologue.

Dans Face à la mère, Lemoine explore les souvenirs, les regrets et les non-dits. Il cherche, à travers les mots, à renouer avec cette figure maternelle disparue, exprimant tout ce qui n’a jamais pu être dit. En 2006, il avait lui-même mis en scène et interprété ce rôle poignant, transformant le silence de l’absence en une présence qui hante et émeut le spectateur.

Aujourd'hui, c'est le metteur en scène belge Guy Cassiers qui propose une nouvelle lecture de cette œuvre. Cassiers, connu pour ses créations visuelles et immersives, apporte une dimension scénique enrichie, où les émotions brutes de l’auteur prennent une portée universelle. Avec une mise en scène épurée, il crée un espace scénique qui laisse toute la place à l’introspection, un lieu où l’acteur peut exprimer librement la tension entre passé et présent, entre amour et douleur. Cassiers a confié la création des lumières à Zélie Champeau, une collaboratrice régulière, dont le travail subtil renforce les nuances de la pièce. Les jeux de lumière, conçus pour symboliser la lutte entre mémoire et oubli, viennent souligner les moments de révélation et de perte, enveloppant la scène d'une aura à la fois fragile et percutante.

Zélie Champeau utilise des contrastes de clair-obscur pour traduire visuellement les souvenirs du fils, tantôt éclaircis, tantôt plongeant dans l'ombre, créant une atmosphère oscillant entre la réalité et l'imaginaire. Ces transitions lumineuses, comme des passages entre différentes strates émotionnelles, invitent le public à suivre le parcours intérieur du personnage, à ressentir avec lui le poids de cette relation maternelle et l'empreinte indélébile de l'absence.

Face à la mère se révèle ainsi comme une œuvre intime et universelle, où texte, interprétation, mise en scène et lumières s’unissent pour offrir une expérience immersive et poignante. Cette exploration du deuil, de la mémoire et des sentiments inexprimés laisse une empreinte durable, touchant profondément ceux qui partagent ce voyage dans les souvenirs d’un fils et le vide laissé par une mère.